(Crédits: Carmat)
"Devenir le premier cour artificiel total approuvé pour la thérapie de destination ["DT", soit une prothèse capable de définitivement remplacer un cour humain défaillant] afin de remédier à la pénurie de greffons". Présentée comme son "objectif ultime", cette visée vainement poursuivie par Carmat depuis son introduction en Bourse risque de ne jamais être atteinte, la société française redoutant la cessation de paiements dès fin juin 2025.
L'entreprise fondée par le professeur Carpentier avec le soutien initial de Matra (d'où le nom Car-mat) n'est "malgré tous ses efforts, dans un environnement de financement très dégradé", pas parvenue à sécuriser de quoi poursuivre son activité au-delà du mois courant. A court d'alternatives, Carmat a donc initié un appel à la générosité publique en lançant une campagne de dons, en prévenant bien les éventuels donateurs que "les dons effectués dans le cadre de cette campagne le sont à fonds perdus".
Une précision qu'apprécieront les actionnaires ayant investi à l'introduction de 2010 ou lors des augmentations de capital de 2011, 2016, 2017, 2019, 2021, 2022, 2023, 2024 (au nombre de trois cette année-là) et 2025, et qui risquent fort de devoir définitivement faire une croix sur leur investissement, ou ce qu'il en reste au fil des dilutions. De 3,8 millions à l'issue de son introduction en Bourse par Truffle Capital, le nombre d'actions a augmenté jusqu'à 58,8 millions actuellement.
+ Plus de 510 millions d'euros engloutis +
Au total, Carmat a levé 395,2 millions d'euros de fonds propres, selon un décompte de L'Agefi, principalement auprès d'industriels, de family offices, et de particuliers, mais sans convaincre de fonds de capital-investissement dédiés à la santé en dehors de son actionnaire initial. En ajoutant aux montants levés en Bourse les différents financements non dilutifs (France 2030, subventions et avances remboursables du programme Innovation stratégique industrielle, PGE etc.), les fonds engloutis jusqu'ici par l'entreprise se montent à près de 512 millions d'euros, alors même qu'elle s'est rapidement éloignée du business plan communiqué lors de son introduction.
En 2010, Carmat se donnait "comme objectif de produire 50 systèmes au cours de l'année de l'obtention du marquage CE, prévu au troisième trimestre 2013, et d'atteindre un rythme de production de l'ordre de 65 systèmes par mois en 2017". Autrement dit, les projections reposaient sur l'espoir d'atteindre une production annuelle de 780 prothèses au bout de la quatrième année de commercialisation.
En réalité, après plusieurs déconvenues sur les premières implantations - et quelques polémiques notamment en 2016 du fait d'un délai de plusieurs semaines avant l'annonce au marché d'un nouveau décès d'un patient transplanté -, le marquage CE, sésame pour la commercialisation en Europe, n'a été décroché qu'en décembre 2020. Et, déviation majeure par rapport à l'ambition initiale d'une prothèse venant en remplacement du cour naturel malade du patient de façon définitive, l'autorisation ne permet que l'implantation en "bridge to transplant", c'est-à-dire de façon momentanée dans l'attente d'un greffon humain.
+ Des ventes loin du compte +
Dans ce contexte, les ventes n'ont toujours pas décollé à la hauteur des ambitions de production. Seules 42 prothèses Aeson ont été implantées en 2024, très loin de la capacité portée fin 2023 à 500 prothèses annuelles (et même 1.000 cours par an à horizon 2027) avec la mise en service d'un second bâtiment de production de Bois d'Arcy.
Reflet du sempiternel écart entre les ambitions de Carmat et la réalité, c'est désormais la campagne de dons qui semble bien loin d'atteindre son objectif. Le lundi 23 juin, à six jours de sa clôture, la cagnotte affichait 8.580 euros sur les 3,5 millions nécessaires d'ici à fin juin (sans même évoquer les 35 millions d'euros de besoins estimés à douze mois).
-Guillaume Bayre, L'Agefi, ed: JDO
L'Agefi est propriétaire de l'agence Agefi-Dow Jones
Agefi-Dow Jones The financial newswire
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